Cette année, la Journée internationale des personnes handicapées nous invite à « favoriser des sociétés véritablement inclusives pour faire avancer le progrès social ». Pour nous, femmes handicapées, cette ambition n’est ni un slogan, ni un horizon lointain : c’est une nécessité vitale. Et c’est, surtout, une prise de parole collective.
Car prendre la parole, c’est exister. C’est revendiquer une place dans un monde qui nous a trop souvent reléguées aux marges. C’est affirmer que le handicap n’est pas un manque, mais une dimension humaine.
C’est dire que le leadership est un acte de dignité : celui de se lever, même quand tout a été pensé pour nous maintenir au sol.
La dignité comme moteur de leadership
Plus de 1,3 milliard de personnes vivent avec un handicap dans le monde, dont plus de 600 millions de femmes. Pourtant, moins de 1 % d’entre elles occupent des postes de décision. Cette exclusion systémique n’est pas seulement une injustice : c’est une perte considérable d’intelligence collective.
Dans un monde traversé par des crises sociales, climatiques, économiques et politiques, nos sociétés ont besoin de leaderships lucides, enracinés dans le réel, capables de tenir ensemble résilience et vision.
Ce leadership, nous l’incarnons. Être une femme handicapée, c’est vivre à la croisée des vulnérabilités : discriminations croisées, stéréotypes persistants, invisibilisation dans l’emploi, exclusion des espaces de gouvernance.
Selon ONU Femmes, nous sommes deux fois plus susceptibles d’être au chômage et trois fois plus exposées à la pauvreté extrême. Et pourtant, nous portons un leadership forgé dans l’adversité, fait de débrouillardise, de créativité et d’endurance. Comme l’exprime Armelle Nogning, Cameroun : « La dignité nourrit mon leadership ; c’est la confiance de faire entendre ma voix et la résilience de façonner le changement. En dirigeant, j’ai appris à reconnaître ma propre force et à ouvrir des chemins pour que d’autres puissent s’élever à leur tour. » Marie-Rose Kéré, Burkina Faso, le dit autrement : « Notre leadership est né de la survie, mais il s’exprime aujourd’hui par l’ambition. »
Les femmes handicapées n’ont jamais manqué de capacité. C’est le monde qui a manqué d’imagination.
Créer des sociétés véritablement inclusives : la preuve par l’action
Le mouvement AHADI Leadership a démarré en France avec 20 femmes en situation de handicap en octobre 2024 avec le soutien de la Fondation Malakoff Humanis Handicap. En septembre dernier à Dakar, en partenariat avec le Gouvernement du Sénégal, Plan International Sénégal et la Foundation for a Just Society, nous avons organisé le premier séminaire panafricain du leadership des femmes handicapées.Pendant une semaine, 50 femmes leaders de 11 pays africains ont co-construit des pistes d’action autour de trois axes : gouvernance inclusive, autonomisation économique et participation politique. Comme le rappelle Fonda Violet Ache, Cameroun, :« Quand les femmes handicapées sont éduquées, elles ont droit aux mêmes opportunités d’emploi que les autres. Faites de votre environnement un espace inclusif, afin qu’elles puissent accéder au monde du travail et y être pleinement intégrées plus facilement. »
Ce n’était pas un événement symbolique. C’était une déclaration. Comme le dit Fatou, participante sénégalaise : « On nous a appris à demander notre place. À Dakar, nous avons appris à la créer. »
Grâce Mpondo, participante française, affirme : « Aujourd'hui, nous ne levons pas seulement nos voix pour l'inclusion, mais nous tendons nos mains pour briser les barrières. Car une société qui valorise chacun, sans exception, est une société qui s'élève tout entière. »
Les femmes handicapées ne demandent plus l’inclusion. Elles la construisent. Et elles la conduisent.
RISE : une réponse mondiale pour le progrès social
En ce 3 décembre, nous vous invitons à découvrir et soutenir RISE : Resilience. Inclusion. Solidarity. Empowerment, notre campagne mondiale destinée à financer notre programme d’impact AHADI Leadership, en amont du déploiement du Contrat à Impact Social.
RISE est née d’une conviction simple : nous ne sommes pas une catégorie vulnérable à « aider », mais une force de transformation globale. Comme le dit Ismaëlle Haddouzi, participante du pilote France : « Le leadership des femmes handicapées n’est pas une exception : c’est l’un des leviers les plus puissants pour transformer durablement nos sociétés. » Et Veronica Ngum Ndi du Cameroun ajoute : « Adopter des sociétés inclusives du handicap est le fondement d’un véritable progrès social, où chaque voix contribue à façonner la justice et la dignité. À travers le programme AHADI Leadership et la campagne RISE, les femmes handicapées deviennent une force mondiale de transformation. »
Dans un monde en quête de justice, de cohésion sociale et de stabilité démocratique, investir dans le leadership des femmes handicapées n’est pas une faveur : c’est une stratégie d’avenir, parfaitement alignée avec le thème international de cette année.
Une génération qui se lève : 1 000 femmes en 2030, 20 000 futures leaders
Aujourd’hui, près de 90 femmes de 20 pays d’Afrique et d’Europe participent à la phase pilote du programme AHADI Leadership, dont l’évaluation d’impact prépare le déploiement mondial à l’horizon 2026. En moins d’un an, cette phase pilote nous a permis de tester notre méthodologie, d’identifier les freins, d’observer un intérêt massif pour un parcours structuré de leadership.
Les femmes handicapées ne viennent pas chercher une assistance. Elles viennent façonner un mouvement. Comme l'affirme Alex, Afrique du Sud : « Nous ne cherchons pas à être accompagnées. Nous voulons être reconnues. »
Notre horizon est clair : 1 000 femmes leaders accompagnées d’ici 2030, 20 000 futures leaders connectées dans une communauté mondiale, pour transformer leurs organisations, leurs communautés, leurs pays.
C’est un changement d’échelle. C’est un changement de paradigme.
À Doha : porter la voix de celles qui transforment le monde
Au 2ᵉ Sommet mondial du développement social de l’ONU à Doha, nous avons porté cette vérité simple :
aucune transformation sociale ne sera possible sans un financement structurel durable du leadership des femmes handicapées. Les modèles actuels restent fragmentés, technocratiques, aveugles à l’intersection entre genre et handicap.
RISE propose un cadre économique innovant fondé sur le co-investissement social, la démocratisation du Contrat à Impact Social, le financement durable du leadership, de la recherche-action et de l’emploi inclusif décent.
Un appel collectif pour le 3 décembre
En cette Journée mondiale, nous appelons gouvernements, entreprises, fondations, institutions et médias à changer de modèle. Ne parlez pas des femmes handicapées. Écoutez-les. Invitez-les à décider. Donnez-leur les moyens de transformer.
Le leadership des femmes handicapées n’est pas un supplément d’égalité. C’est un levier essentiel du progrès social mondial, exactement ce que la communauté internationale appelle cette année.
Le leadership est un acte de dignité. Et la dignité, elle, n’attend plus.
J’écris ces lignes depuis Bruxelles, cœur politique de l'Europe, où se façonnent les droits humains, les politiques publiques et les trajectoires démocratiques des États. C’est ici, hier, que nous avons présenté l’Observatoire AHADI 2030 et lancé officiellement la campagne mondiale RISE. Pendant plusieurs jours, 450 écrans digitaux à Bruxelles, Anvers, Liège et Charleroi porteront un message simple et déterminé : investir dans le leadership des femmes handicapées n’est pas un acte de charité, mais un choix de civilisation. Un choix de progrès. Un choix de dignité.
C’est ici, au centre des décisions européennes, que nous réaffirmons cette évidence : le monde ne progressera pas sans nous.
Signataires
Deza Nguembock, Fondatrice & Présidente, AHADI Foundation
et les femmes leaders du Programme AHADI Leadership (Afrique – Europe)