Émancipation économique des femmes handicapées
À l’aube du Forum économique mondial, 30 femmes handicapées participantes du programme de leadership de l'AHADI Foundation, venant d'Europe et d'Afrique, joignent leur voix à celle de Deza Nguembock pour lancer un appel urgent :
ne détournez plus le regard de la situation économique des femmes handicapées.
Le Forum économique mondial est un lieu clé pour discuter des défis mondiaux et définir les trajectoires économiques futures. Pourtant, l’extrême pauvreté des femmes handicapées et leur émancipation économique restent largement ignorées. Environ 20 % des femmes dans le monde vivent avec un handicap, et ignorer cette injustice prive des millions de femmes d’un avenir digne et équitable.
Nous dénonçons l’intersection des discriminations qui amplifie les inégalités économiques, privant les femmes handicapées de leur droit à un revenu décent, à l’épargne, au patrimoine et à une vie équitable. Cela constitue un obstacle majeur à la justice sociale et à une croissance économique inclusive.
Une double peine : pauvreté et handicap
Si 10 % des femmes dans le monde vivent sous le seuil de pauvreté, les femmes handicapées sont encore plus vulnérables, particulièrement sur le plan économique. Elles sont marginalisées par les inégalités de genre et les barrières liées au handicap, ce qui les rend plus exposées à la précarité. Dans de nombreuses régions, elles sont exclues du marché du travail, ont un accès limité à l'éducation et souffrent de l'isolement social. Elles sont donc beaucoup plus exposées à la précarité que les femmes non handicapées.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les femmes handicapées ont deux fois plus de chances de vivre dans la pauvreté. En 2022, l'écart entre le taux d'emploi des personnes en situation de handicap et les autres était de 21,4 % au sein de l'UE. En Afrique, seulement 20 % des femmes handicapées ont un emploi, contre 53 % des hommes handicapés. Celles qui travaillent occupent souvent des postes précaires et sous-qualifiés. En France, 46 % des femmes handicapées sont dans cette situation. La majorité vit avec des revenus insuffisants, souvent en deçà du seuil de pauvreté, ce qui aggrave leur vulnérabilité. Les politiques publiques inadaptées, les préjugés et la discrimination systémique maintiennent ces femmes dans un cercle vicieux d'exclusion.
L’émancipation économique : un levier pour briser le cycle de la pauvreté
Il est crucial de briser ce cycle de marginalisation pour garantir l’émancipation économique des femmes handicapées. Ce n’est pas seulement une question de justice sociale, mais aussi un moteur essentiel pour la prospérité mondiale. Lorsqu'une femme handicapée accède à un emploi stable, elle transforme sa vie et stimule la croissance économique de sa communauté, de son pays et de la planète.
Cependant, de nombreux obstacles subsistent comme en témoignent les participantes de notre programme : stéréotypes persistants, lieux de travail inaccessibles, discriminations, formations inadéquates, manque de soutien à l’entrepreneuriat et difficultés d’accès au crédit. Sans action politique concertée pour lever ces barrières, il est illusoire de penser que les femmes handicapées pourront s’épanouir économiquement.
Appel à l'action mondiale : Pour un engagement décisif en faveur de l'inclusion économique
L'émancipation économique des femmes handicapées est une priorité mondiale, essentielle à la fois pour leur dignité et pour l'avenir économique durable de la planète. Ce défi est indissociable des grands objectifs mondiaux de l'égalité des genres et de la lutte contre la pauvreté.
Alors que le Forum se concentre sur les métiers de demain, il est urgent d’intégrer ces femmes, non seulement pour respecter leurs droits, mais aussi pour libérer leur potentiel et dynamiser l’économie mondiale. Ne pas exploiter le potentiel d'environ 300 millions de femmes handicapées est une perte colossale. Leur inclusion favoriserait l’innovation, élargirait les marchés, comblerait les pénuries de compétences et renforcerait les politiques inclusives.
Pour une transformation économique véritable et équitable, nous demandons aux États et aux acteurs internationaux de :
- Adopter une approche intersectionnelle : Intégrer une vision intersectionnelle dans les politiques publiques, prenant en compte les défis spécifiques des femmes handicapées, en particulier dans des contextes culturels, ethniques et socio-économiques variés.
- Renforcer les capacités financières : Créer un fonds mondial pour l’inclusion économique des femmes handicapées, financé par les États, institutions internationales et entreprises privées, afin de faciliter l'accès au financement et aux microcrédits dédiés.
- Garantir une accessibilité universelle : Intégrer des normes d’accessibilité dans tous les projets de développement urbain et rural, et garantir l'accessibilité des lieux de formation, de travail et des transports, pour favoriser l'intégration des femmes handicapées dans l’emploi.
- Promouvoir l'inclusion numérique : Lancer des plans massifs de formation aux technologies numériques adaptées, afin de permettre aux femmes handicapées de saisir les opportunités de l’économie numérique et des métiers de demain, sur un pied d'égalité.
- Soutenir la diversité dans le leadership : Mettre en œuvre des politiques visant à garantir l'accès des femmes handicapées aux postes de direction dans les secteurs public, privé et international. Créer des bourses de leadership et développer des réseaux de mentorat dédiés, afin de favoriser leur présence et leur influence dans les sphères décisionnelles.
Conclusion : Une responsabilité collective pour un avenir inclusif
Nous appelons les États et acteurs internationaux du Forum économique mondial à garantir l’accès des femmes handicapées aux opportunités économiques, en levant les obstacles systémiques et en leur permettant de prendre une place active dans les sphères décisionnelles. Nous exigeons l'intégration de représentants des personnes handicapées dans les comités du Forum et l'inscription de cette question cruciale à l’agenda de 2026.
Une société véritablement juste et prospère ne sera possible que lorsque les femmes handicapées auront la possibilité de réaliser pleinement leur potentiel. Il est de notre responsabilité collective de lever les obstacles et d’offrir à chaque femme handicapée la chance de choisir son avenir.
Rappelons que les États, en ratifiant la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, se sont engagés à promouvoir l’égalité des chances et à garantir l’inclusion pleine et entière des personnes handicapées dans la société. Il est temps de tenir ces engagements et de faire en sorte que ces droits deviennent une réalité pour toutes.
Deza Nguembock
Ambassadrice de la Campagne Ensemble pour les droits de la Commission européenne
Fondatrice et Présidente bénévole de l'AHADI Foundation
Co-signature :
- ABBA Sabanatou, Membre du bureau exécutif de l'association des handicapés et parents handicapés de Maroua, Cameroun.
- AISSATOU Hamadjam, Contractuelle Communale, Service Action Sociale et Culturelle à la Communauté Urbaine de Garoua, Cameroun.
- BA Ly Khadidiatou, Présidents du Comité des Femmes de la Fédération Sénégalaise des Associations de Personnes Handicapées (CF/FSAPH), Sénégal.
- BANGOUB Hélène Cécile, Rédactrice publicitaire et gestionnaire de contenu chez MWDDB Congo & Secrétaire Générale de l'Initiative des Jeunes Sourds pour l'auto-développement au Cameroun (IJSA-CMR), République du Congo.
- DIOP Issa Tall, Directrice de l'Hôpital d'enfant Albert Royer Dakar, Sénégal.
- DIOUM Fatou Thérèse, Présidente du Regroupement national de Solidarité des Sourds (RNSS), Sénégal.
- DJOUOGO Caroline Laure, Paire éducateur VIH sida, Cameroun.
- FAURE Wahiba, Fondatrice et présidente Waka Conseil & Membre du CA et bénévole de l'association Femmes Sourdes Citoyennes et Solidaires, France.
- GUEYE Fatoumata, Travailleuse sociale spécialisée en formation et réinsertion des personnes handicapées, Sénégal.
- HADDOUZI Ismaëlle, Fondatrice & PDG e-Peak People HR, France.
- HOUSSOU Élodie, Directrice Générale de l'Établissement Fashola Prestations, Bénin.
- KEAFOON Emelian, Directrice de production de l'Académie Silence Breakers et Présidente de l'Association des Femmes et Filles dans la Culture Sourde, Cameroun.
- KEITA Bintou, Gérante d’un commerce, Guinée.
- KOPOKA Margaret, Experte en Sociologie du Handicap, Conseillère en Accompagnement de Personnes à Besoins Spécifiques et Élue d'Arrondissement Chargée de l'Inclusion et de l'Accessibilité, France.
- LLORCA Justine, Conseillère en Accessibilité et Inclusion Culturelle, France.
- MAZARS Tiffany, conférencière handicap invisible et inclusion, France.
- MABEL Chenko, PDG de Mabel's Oil Enterprise, Cameroun.
- MANTRAN Murielle, Gérante de la société Géomatik Karaïb et présidente de l'association Handi'News 971, France.
- MINE-GARROS Clara, PDG de Mouv’Intelligent, France.
- NDIAYE Seynabou, Présidente de l'Association d'Appui aux Handicapés Visuels (AHAVI), trésorière générale du Comité des Femmes de la Fédération Sénégalaise des Associations de Personnes Handicapées (CF/FSAPH) et secrétaire générale adjointe de la Fédération Sénégalaise des Associations de Personnes Handicapées (FSAPH), Sénégal.
- NEMEKON Alix, Présidente de l'Association des Personnes Handicapées PARVI, Cameroun.
- NGASSA KIMEN Leocadie Flore, Doctorante en santé publique à l’Université Catholique d'Afrique Centrale & Épidémiologiste de terrain et Chef Bureau de Prise en Charge des Maladies Metaboliques, des Cancers, des Maladies Cardiovasculaires et des Affections Renales Chroniques a la Sous-Direction de Lutte Contre les Maladies Chroniques Non Transmissibles (DLMEP) du Ministère de la Sante Publique du Cameroun, Cameroun.
- NGUINI Simone, Agent de bureau à la délégation régionale de l'éducation de base du centre du Cameroun et membre de la plateforme inclusive society of people living with disability, Cameroun.
- NIANG-ALIX Déguéne, Cheffe de projets à l’APF France Handicap, France.
- NINGAYO Fébo Eugénie, Présidente des femmes victimes de la poliomyélite et la Secrétaire Générale du comité national paralympique Tchadien, Tchad.
- NYIRAMANA Joyce, Chargée de projet à l'Union Nationale Rwandaise des Sourds, Rwanda.
- SMAALAND Jessica, Présidente de FQ – Forum Femmes et Handicap, Suède.
- TOBOSSOU Jules Dérick, Président de l'ONG Eveil des Pensées Positives pour des Actions de Développement (EPPAD), Bénin.
- TUNGARAZA Stella, Consultante indépendante en microfinance, Tanzanie.
- UMUHOZA Djanathi, Cheffe de projet et coordinatrice de la langue des signes à l'Union Nationale Rwandaise des Sourds (RNUD), Rwanda.
- VUCHE AKUMBOM Benedicta, Présidente de subdivision pour les personnes handicapées au sein de l'Unité de Coordination des Associations de Personnes Handicapées (CUAPWD), Cameroun.